Motricité de l’appareil digestif



Généralités

Le pharynx, l’oesophage proximal et le sphincter anal externe sont constitués de fibres striées. Tout le reste est constitué de muscle lisse.
En plus de la musculaire muqueuse, les fibres lisses sont organisées en 2 couches principales :
·  la couche interne faite de muscles circulaires ;
·  la couche externe faite de muscles longitudinaux.
Pour une couche donnée, le tissu musculaire est organisé en syncitium électrique où les ellules sont connectées par des nexus (= gap jonctions).
On trouve 2 types d’innervation :
·  Intrinsèque : il s’agit des neurones et fibres contenus dans les plexus de la paroi digestive. On y trouve essentiellement :
1. Des neurones cholinergiques et purinergiques ;
2. Des fibres noradrénergiques qui font directement synapse sur le muscle ;
3. Des neurones sensitifs qui ont un rôle dans le péristaltisme ;
4. Des motoneurones inhibiteurs qui utilisent le VIP et l’oxyde nitrique (NO).
·  Extrinsèque : il s’agit d’afférences et, en moindre quantité, d’efférences parasympathiques (X) et orthosympathiques.
L’activité électrique est caractérisée par des ondes lentes générées au rythme de 8 à 10 / min
par des myocytes de type « pace-maker ». Les ondes lentes prédisposent à la génèse de
potentiels d’action (PA) à la fois sodiques et calciques qui entraînent la contraction musculaire.
La commande motrice est contrôlée à 3 niveaux :
1. Neuromédiateurs
a) L’acétylcholine (ACh) augmente l’amplitude des ondes lentes et par conséquent la fréquence des PAs. L’effet étant bloqué par l’atropine, il est dû à des récepteurs de type muscarinique.
b) Les catécholamines ont l’effet inverse (¯ ampli OL + freq. PAs)
c) L’ATP hyperpolarise directement les cellules du muscle lisse.
d) La sérotonine (5HT) a des effets contradictoires où l’excitation domine néanmoins sur l’inhibition.
2. Substances paracrines
a) L’histamine favorise la contraction.
b) Les prostaglandines (PG) favorisent soit la contraction soit la relaxation selon le
type de PG et la localisation envisagés.
3. Hormones
La gastrine et la CCK stimulent, alors que la sécrétine et le glucagon inhibent la motricité.

 L’oesophage

On trouve des sphincters aux 2 extrémités de l’oesophage. A l’extrémité inférieure, on a le
LES (lower esophageal sphincter), dont le rôle est d’empêcher le reflux gastro-oesophagien.
Les premières étapes de la prise alimentaire sont constituées par la mastication et la
déglutition, lesquelles s’inhibent mutuellement.
La déglutition est marquée par :
·  Un temps buccal qui a une composante volontaire et une composante réflexe.
·  Un temps pharyngien qui est entièrement réflexe et pendant lequel la respiration est
inhibée. Le centre nerveux responsable de ce réflexe se trouve dans 2 structures du
tronc cérébral : le bulbe et le pont inférieur. Les commandes sont acheminées par les
efférences du V (trijumeau), VII (facial), X (vague) et XII (hypoglosse).
Pendant la respiration, le sphincter supérieur est fermé grâce à une activité tonique.
Cinq secondes après la déglutition, il y a une relaxation du LES qui dure 5 s.
Le péristaltisme :
·  est mis en jeu par l’action du X sur l’oesophage supérieur ;
·  se propage du muscle strié au muscle lisse ;
·  se manifeste par des contractions de la couche circulaire et un raccourcissement de
la couche longitudinale au-dessus du bol alimentaire ;
·  progresse à une vitesse de 2,7 cm/s dans l’oesophage proximal, et 4,4 cm/s dans le
distal ;
·  met en jeu le système intrinsèque (plexus myentérique) pour moduler et coordonner
l’activité programmée et déclenchée au niveau du bulbe. Cette modulation s’effectue
par l’intermédiaire de récepteurs cholinergiques excitateurs, et de récepteurs
noradrénergiques soit excitateurs (récepteurs a), soit inhibiteurs (récepteurs b) ;
·  n’implique pas d’ondes lentes (absentes dans l’oesophage) ® est donc neurogène

L’estomac

En plus de la couche musculaire circulaire et de la couche longitudinale, laquelle, dans
l’estomac, forme des bandes, on trouve également une couche musculaire oblique qui est la
plus profonde.
L’innervation parasympathique emprunte le vague dont la sécrétion d’ACh provoque la
contraction. L’innervation orthosympathique emprunte le splanchnique (NB : nerf mixte
moteur-sensitif) dont la sécrétion adrénergique, en règle générale, favorise la relaxation.
Mécano- et chimiorécepteurs (ces derniers, en particulier, en rapport avec la concentration en
H+) forment l’origine des afférences centrales et de l’innervation intrinsèque. Concernant
cette dernière, celle de l’estomac est la plus importante du tube digestif.
Le fundus présente une activité motrice faible. Après la déglutition, on observe un
relâchement qu’on appelle « relaxation réceptrice ». Celle-ci est due à l’activation par le
vague de neurones purinergiques, VIP et NO, et sert à accommoder la charge alimentaire.
Au niveau de l’antre et du pylore, on observe un péristaltisme de 3 ondes / min, chaque onde
durant de 2 à 20 secondes. Le pylore constitue un sphincter à double rôle :
1. Freiner la vidange gastrique quand les fragments alimentaires sont trop gros.
2. Empêcher le reflux duodénal.
Les ondes lentes gastriques sont générées (3 / min) par un pace-maker présent vers le milieu
de la partie verticale de l’estomac. Elles déclenchent éventuellement des PAs, et se continuent
dans le duodénum où elles s’accélèrent (13 / min). C’est le système musculaire longitudinal
qui assure la coordination antro-duodénale. Les OL sont à l’origine du péristaltisme (®
myogène).

La vidange gastrique
Dans le cas d’un repas liquide, la vidange est assurée par la tension transmurale et par la
contraction antrale. Concernant le premier cas, la vidange est une fonction de la racine carrée
du volume restant. Ceci est dû au fait que le phénomène obéit à la loi de Laplace : Tension =
Rayon du vaisseau x Pression (on considère l’estomac comme un cylindre pour le volume
duquel le rayon intervient au carré).
Dans le cas d’un repas solide, les aliments sont transformés en chyme (bouillie liquide) grâce
au péristaltisme antral, le pylore étant fermé.
Contrôle de la vidange :
1. Contrôle myogénique : assuré par les ondes lentes qui entraînent le péristaltisme et la
contraction antrale.
2. Contrôle nerveux :
a) Parasympathique (X) : l’ACh augmente l’amplitude du plateau des ondes lentes
et la fréquence des PAs. Le VIP et le NO provoquent la relaxation du sphincter pylorique.
b) Orthosympathique (splanchnique) : la noradrénaline (NA) diminue la fréquence
et l’amplitude des ondes lentes et diminue ainsi la probabilité des PAs.
3. Contrôle hormonal :
a) La gastrine stimule la contraction antrale ainsi que celle du pylore ® le résultat
net est un ralentissement de la vidange.
b) Au niveau duodénum, la sécrétine (­ par H+), la CCK (­ par les graisses et
acides aminés) et le GIP (­ par les acides gras) ralentissent la vidange. La
sécrétine agit à la fois en diminuant les contractions antrales et en augmentant la
contraction du pylore.
c) La motiline augmente les contractions.
4. Facteurs physico-chimiques :
La pression osmotique (codée par des osmorécepteurs), les protons, les acides aminés et
surtout les lipides ralentissent la vidange, ce qui résulte en un séjour gastrique des aliments
qui varie en fonction de la nature de ceux-ci : de une heure pour les liquides jusqu’à 4 heures.
Le vomissement
Il est contrôlé par un centre bulbaire dont le seuil peut être modulé par des influences :
1. nerveuses d’origine corticale ;
2. pharmacologiques (émétiques, ex. apomorphine, et antiémétiques) ;
3. mécaniques : distension ou compression de l’estomac.
N’impliquant pas la partie supre de l’estomac, qui a un rôle passif, ces réflexes consistent en :
1. Une fermeture du pylore et un arrêt du péristaltisme (la question de savoir s’il
existerait un péristaltisme inversé n’est pas résolue) ;
2. Une contraction de l’antre ;
3. Une contraction du diaphragme et des muscles abdominaux ;
4. Une inspiration profonde et une fermeture de la glotte.

L’intestin grêle

Mesure de 5 à 6 m de long, dont 5% sont occupés par le duodénum et 40% par le jéjunum.
Le rôle de la motricité du grêle est triple :
1. Mélange des aliments du chyme avec les sécrétions digestives ;
2. Augmentation du contact chyme / muqueuse en vue de l’absorption (1 et 2 étant
rendus possible par les phénomènes de segmentation) ;
3. Propulsion aborale (litt. « loin de la bouche ») grâce au péristaltisme.
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Les ondes lentes
Leur fréquence est de 11-13 / min dans le duodénum, 8 / min dans l’iléon.
D’origine purement myogène, elles sont indépendantes de l’innervation extrinsèque (X et
splanchnique) ; néanmoins, l’excitabilité des myocytes est modulée à la fois par l’innervation
intrinsèque et extrinsèque et par les hormones.
La prise d’un repas augmente la fréquence des PAs, ce qui se traduit par des segmentations ;
celles-ci sont des contractions très localisées de la couche circulaire dont la fréquence
correspond à celle des ondes lentes.
Le péristaltisme est limité en distance (4-6 cm) ; la lenteur de la progression des aliments
favorise ainsi la digestion et l’absorption.
L’innervation
L’innervation intrinsèque est représentée surtout par le plexus myentérique.
L’innervation extrinsèque est représentée par le vague et le splanchnique. Les efférences du
vague s’articulent avec les neurones cholinergiques et purinergiques des plexus ; ses
afférences transmettent l’information chimique, osmotique et mécanique. Les efférences du
splanchnique font synapse dans les ganglions coeliaque et mésentérique. Les afférences
transmettent l’information relative à la douleur.
Les 2 types d’innervation modulent la motricité et gèrent certains réflexes. Au cours du
réflexe gastro-iléal par exemple, la prise alimentaire augmente l’activité motrice et la
sécrétion gastriques, ce qui stimule la motricité iléale et favorise le passage au niveau du
sphincter iléocaecal.

Motricité colique et recto-anale

Le côlon fait de 1 à 1,5 m et est compris entre le sphincter iléocaecal et les sphincters anaux.
Le muscle lisse comprend les bandes longitudinales externes (appelées « taenia-coli » ;
préparation très utilisée en recherche sur le muscle lisse), et la couche circulaire interne qui
aboutit au sphincter anal interne (NB : le sphincter externe est strié).
Innervation :
1. Intrinsèque : plexus myentérique et sous-muqueux, avec des neurones cholinergiques
(stimulateurs de la motricité) et adrénergiques, mais aussi des neurones qui utilisent la
substance P (favorisant la contraction), et le VIP ou le NO (favorisant la relaxation).
2. Extrinsèque : afférences et efférences vagales et splanchniques...
3. Recto-anale :
a) somatique : concerne le sphincter anal externe.
b) autonome : le parasympathique emprunte les nerfs pelviens ; l’orthosympathique
emprunte le nerf hypogastrique.
Activité électrique :
1. Les ondes lentes (avec ou sans PAs) présentent 2 rythmes : 6-9 / min et 2-4 / min, ce
qui semble indiquer la présence de plusieurs pace-makers.
2. On observe aussi des « bouffées propagées » qui sont caractéristiques du côlon et
présentent des fréquences plus rapides de l’ordre de 20 à 60 / min. Leur amplitude est
cependant plus faible que celle des OL.
Activité mécanique
1. Le côlon présente un type particulier de segmentations appelées « haustrations », pour
lesquelles les segments impliqués sont plus longs et plus réguliers.
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a) Dans le côlon proximal, les haustrations sont antipropulsives, ce qui favorise la
réabsorption d’eau ;
b) Dans le côlon distal, les haustrations sont soit stationnaires (périodes de
continence et constipation), soit propulsives ; dans ce cas, elles occasionnent
des « contractions en masse » qui se produisent environ 3 fois par jour.
2. Le rectum est normalement vide et présente peu d’activité contractile spontanée. Il se
remplit par l’intermédiaire des contractions en masse, et la dilatation de l’ampoule
rectale constitue le stimulus de la défécation.
Contrôle de la motricité
1. Myogène : semblable au grêle (OL) ;
2. Nerveux
a) L’innervation extrinsèque est surtout inhibitrice (récepteurs noradrénergiques
et purinergiques).
b) L’innervation intrinsèque est à la base de certains réflexes. Au cours du réflexe
gastrocolique, par ex., la prise d’un repas entraîne un transfert rapide du
contenu iléal vers le caecum, lequel se distend par le processus de relaxation
réceptrice, ce qui à son tour favorise l’émergence de contractions en masse.
Continence
Elle est possible grâce aux facteurs suivants :
1. Les segmentations distales (contraction ® rétrécissement luminal) constituent une
barrière de pression.
2. La dilatation du côlon sigmoïde constitue un réservoir à pression constante.
3. La sangle des muscles releveurs de l’anus offre la possiblité d’une angulation (~82°)
entre rectum et canal anal.
4. Le sphincter anal interne est l’objet d’un tonus adrénergique.
5. Le sphincter anal externe permet l’adaptation à des changements de pression (toux,
éternuements...) ou de posture (station debout, etc...).
Défécation
La partie réflexe est contrôlée au niveau de la moëlle sacrée.
La distension de l’ampoule entraîne :
1. Contraction du rectum ;
2. Relâchement du sphincter interne ;
3. Contraction du sphincter externe strié.
Chez l’homme, la mise en jeu est en partie un phénomène de société soumis au
conditionnement social. On a le choix entre :
1. Différer, et on fait alors intervenir une inhibition néocorticale apprise de la motricité
rectocolique ainsi qu’une contraction du sphincter externe.
2. Enclencher, ce qui se traduit par :
a) Relâchement de la sangle ;
b) Disparition de l’angulation ;
c) Relâchement des 2 sphincters ;
d) Apparition de puissantes ondes coliques ;
e) Poussée diaphragmatique ;
f) Contraction des abdos.
RÉFÉRENCES :
Physiologie humaine : la digestion, Y Minaire, R Lambert, 1976 (SIMEP, Villeurbane)
Physiology, RM Berne, MN Levy, 1998 (Mosby, St Louis, USA)

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